samedi 14 juillet 2018

Mille et une images de la rue


La photo est un jeu de regards sur la vie qui nous environne. On porte un regard sur ce qui vit et bouge, parfois un infini détail, le temps d'un instant. Cet art est même l'école de savoir vivre l'instant.
Ce détail qui saute à nos yeux pendant une fraction de seconde peut transfigurer une image toute entière. Un regard qui se croise avec celui d'un inconnu, un rayon de soleil filtré à travers les feuilles d'un arbre ou d'un nuage, un passant en contrepoint avec son environnement immédiat...
Il n'y a avait rien de notable avant et ce petit rien a tout changé.
Le propre d'un instant est d'être furtif. Il faut donc être là au moment où ce petit miracle survient. La meilleure façon d'être présent est d'être attentif, d'être en veille.
D'ailleurs, quand je pars faire des photos, je suis comme un chien de chasse à l'affût du moindre détail. Je pars pour glaner des images, tester des angles de vue ou une perspective intéressante...

La photo de rue est un exercice délicat qui demande de l'aplomb, cette approche se révélant être d'intrusion dans l'univers de l'autre. Il faut oser prendre cette image d'un autre qui ne demandait rien à personne. On ne peut d'ailleurs jamais prévoir la réaction de l'autre.
Les humains ne se laissent pas surprendre aussi facilement. Je suis toujours partagé entre l'envie de les surprendre et leur annoncer mon attention de capter leur image. Mais leur dire peut gâcher la magie, mais pas toujours, car le passant amusé, surpris ou agacé peut devenir acteur.

Dans une réunion de famille, l'appareil perturbe, les gens se sentent épiés, puis progressivement le photographe finit par se fondre dans la masse. C'est là que le travail peut commencer.


Il y a le temps de prise de vue, cette chasse aux images. Et puis vient le temps où devant son ordinateur, on découvre le fruit de sa récolte. Cette découverte se fait quasi instantanément avec le numérique, mais je pense à ces générations de photographes qui, à l'époque de l'argentique, ne découvraient leurs clichés sur leur planche-contact qu'après la sacro-sainte séance de développement du film, puis le passage au révélateur et au fixateur...
Les images devant soit, c'est le moment de l'émerveillement. Pourtant la photo apparaît pas telle que notre regard l'avait vue sur place. A ce stade, elle est brute de décoffrage.
Un contraste trop fort qui gomme les demi-teintes, un ciel pâlichon et sans relief. L'appareil atteint ses limites.
La retouche entre en scène, comme ce bain révélateur de l'ancien temps dont on doit ajuster les composantes et le temps de pose pour en faire varier les effets.
La retouche est pourtant quelque chose de péjoratif pour le commun des mortels. C'est synonyme d'altération, de modification à outrance alors qu'il s'agit de restituer un instant vécu, une impression.
En fait, la photo n'exprime pas la réalité, elle exprime celle que le photographe a vécue au moment du déclenchement.
Nous voilà donc devant notre photo de rue. Des scènes qui peuvent paraître insignifiantes, tant elle évoquent notre quotidien immédiat. Et pourtant, on peut imaginer mille et une choses à travers ces compositions improvisées, ces attitudes captées à la volée.
Les gestes, les jeux de perspective et le couleurs jouent à se répondre les uns aux autres.
Les espaces-temps s'entremêlent d'un coin à l'autre de la photo, du premier au dernier plan.
On peut alors imaginer des vies et des histoires. Que se disent-ils, à quoi pensent-ils?
Le jeune homme en tablier prenant sa pause cigarette, le regard au loin, dans la lumière. Chercher-t-il quelque échappatoire? S'imagine-t-il au loin, à moins qu'une charmante jeune femme n'ait capté son attention...
Que dire de ce marchant ambulant dans son camion roulotte? Il ressemble à un capitaine de bateau transportant des marchandises sur le fleuve Amazone. Son regard se porte au loin comme pour anticiper quelque écueil ou récif. Son regard fait voyager.
Le regard de cet hommes et son attitude empreinte d'une certaine lassitude en dit long sur sa vie. Une vie longue que l'on peut imaginer tortueuse. 
La photo de rue est une perpétuelle invitation à aller vers cet autre qui est en quelque sorte ce laboratoire d'expressions et d'impressions. 
Il suffit d'ouvrir les yeux et d'attendre le bon moment pour déclencher un peu comme le chasseur attendant sa proie. Soyez donc ce chasseur d'images!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire