samedi 5 mai 2018

La toute première fois...

Je suis issu d'une famille totalement étrangère au monde de la moto. Je n'avais d'ailleurs auparavant enfourché aucun deux roues. Pour faire court, la moto m'a toujours laissé indifférent, en tout cas la moto que l'on croise habituellement, le projectile en plastique d'origine japonaise ou la moto custom...Ces engins ne m'inspiraient rien, la vitesse ou la frime sont loin de ma manière d'être. Non vraiment rien de tout cela m'inspirait l'évasion, le quelque chose de différent de cette société formatée et marquetée. Quelque chose de simple, comme un retour à une certaine idée de la vie, ôtée de son superflu. Quitte à sortir de ma zone de confort, j'aspirait à cet autre chose.
Un proche m'a alors partagé des photos d'une petite moto, la Bullit, qui venait de sortir sur le marché et l'envie me pris de franchir le pas et d'en acquérir une.
Mon épouse m'incita vivement à directement passer le permis moto pour ne pas être limité par une aussi petite cylindrée. Une plus grosse moto donc, mais pour laquelle?
Peu de temps après, un fameux jour où, arrêté à un feu rouge en centre ville de PAU, mon regard s'est porté sur une bécane garée chez un concessionnaire Ducati, moto dont le look sortait manifestement de l'ordinaire (pas la Ducati...), comme sortie tout droit du plateau d'Indiana Jones ou d'une BD d'Hergé. 

Je n'ai à ce moment distingué que l'allure générale de l'engin assurément old school et sa couleur jaune sable, comme pour rappeler ses origines militaires de la période après guerre.
Ce n'est qu'en y repassant plusieurs jours après que j'ai pu en connaître la marque : Royale Enfield.

Cette marque sonnait comme un rappel aux vieilles heures de la moto, un âge perdu qui évoque ces gentlemen et gentlewomen ridant sur les petites routes d'Angleterre. Le charme a aussitôt commencé à opérer et j'ai entamé des recherches sur le web pour en savoir plus, regarder tout ce qu'il y a avait à regarder sur cette moto. J'ai ainsi peu à peu bâti mon imaginaire autour de cet engin qui représentait à mes yeux, un moyen d'évasion, pas forcément sur le plan géographique, mais une évasion intellectuelle, une brèche dans cette société sans imagination. Dans ce tout numérique, tout aseptisé, tout ordonné et maîtrisé, cette moto se riait de tout, y compris de la vitesse!
J'étais cependant tiraillé par l'envie mais également par le doute : Fallait-il être mécano pour rouler sur un telle moto? Etait-elle fiable? toujours avec mon esprit de consommateur occidental du XXIème siècle.
Le chemin se faisait dans mon esprit de passer le permis pour vivre ce rêve inconcevable encore quelques mois auparavant. Je franchis ce pas et commençais les leçons.
Il y eut donc le rêve...et la réalité, celle où l'on se frotte pour la première fois à un météore de 75 cv et de 200 kg, dans des slaloms, des freinages d'urgence et des évitements...
Crispé, tendu comme la corde d'un arc, je ne faisais manifestement pas corps avec l'engin contrairement à ce que me demandait mon instructeur de l'auto école (qui, il faut l'avouer n'était pas d'une très grande pédagogie). Passé quelques heures de leçon et la réussite au code, j'ai décidé de faire le break, de valider mes heures et d'acheter une 125 pour me faire la main et revenir quand je me sentirai plus à l'aise sur un deux roues.
Après des mois de recherches, j'ai jeté mon dévolu sur une Yamaha YBR 125 en parfait état, que je parvins à revendre sans difficulté après mon permis.
 

Ironie du sort, sur le chemin du boulot à AGEN, un beau matin je suis tombé sur une Desert Storm exposée dans une vitrine de magasin désaffecté. J'ai pris ça comme un petit clin d'oeil du sort, comme un encouragement à persévérer dans mon apprentissage de la moto. 
Après 7 mois d'entrainement sur ma 125 et les 12 heures de leçon restante, j'obtenais enfin mon sésame! 
Maintenant, il s'agissait de confronter la vision que j'avais forgée de la Bullet avec la réalité et décidais d'en essayer une chez le concessionnaire de PAU. Allais-je être déçu, ayant nourri un tel imaginaire?
Quelle fut ma surprise en faisant mes premiers tours de roues à son guidon! Confortablement installé sur la selle mono moelleuse d'une Chrome noire, la grande aventure commençait sur la route sinueuse et vallonnée entre Gan et Lasseube. Dès le premier kilomètre, je me demandais si ma mouture n'allais pas me lâcher au premier rond point, tant les vibrations, les bruits et autres cliquetis bannis des motos modernes, étaient présents. Tandis que ces vibrations et ces bruits moteurs sont souvent signes d'une panne imminente pour une moto ordinaire, elles sont ici les caractéristiques de cet engin hors du commun. 
Mon rêve n'a pas été déçu par la réalité tant j'ai ressenti, l'étonnement passé, une plaisir authentique à rouler sans rechercher la vitesse, mais à vibrer à l'unisson de cette machine. Un couple généreux qui ne rechigne pas à grimper une côtes en 5ème dans un vrombissement digne d'une symphonie de Tchaïkovski!
Cette machine hors d'âge comme un excellent Armagnac, m'avait d'ailleurs fait oublier le temps alloué de mon essai (15 minutes) et revint 3/4 heure plus tard à la concession. J'étais conquis et fermement résolu à prendre le temps nécessaire pour rechercher MA Bullet, celle avec qui j'allais créer une complicité.
Et pourtant, le hasard aidant, il ne m'a fallu que 15 jours pour trouver mon compagnon de route, par une petite annonce sur Leboncoin. Une occasion très récente, une Standard noire toute équipée, selle mono, porte bagage, rétros guidon et sacoches en cuir. Une affaire. Une semaine après, je repartais à son guidon, arpentant les rues de Biarritz et sillonnant la Côte Sauvage près de Saint Jean de Luz. 
L'aventure commençait enfin, pas une aventure par vie interposée, pas l'émerveillement ressenti à travers les vidéos et photos postées par d'autres, mon aventure personnelle. 





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