mardi 11 septembre 2018

Rêve de motard


Les images et les sensations défilent dans la tête. Émotions brutes des virées gravées comme des sons sur un disque microsillons. La machine à mémoire démarre. Les Images vécues mélangées à l'imaginaire sont lointaines et floues puis les détails apparaissent peu à peu. 
Les paysages se succèdent et la moto enchaîne les lacets. Son moteur gronde et son écho retentit au passage d'une ruelle d'un village. Un habitant se retourne à notre arrivée le visage aussitôt éclairé puis retourne à ses occupations. Il semble trouver à notre équipage quelque chose d'insolite et de beau à la fois. 
Un homme et sa moto au milieu de nul part. Image romanesque des temps anciens. Des landes succédant aux forêts, puis un modeste hameau et son église solitaire. Un tympan aux bas reliefs lissés par le temps et une vieille porte en désignent l'entrée. A l'intérieur, de vieux bancs et au fond son autel dans la pénombre. Quelques raies de lumière s'échappent des vitraux. J'imagine les hommes qui au fil des siècles s'y sont recueillis. Les traces laissées par leur passage sont comme des prières qui à jamais marquent les lieux. Je reste un instant assis là comme absorbé puis poursuis ma route le nez au vent et les yeux écarquillés. Je saisis l'instant à pleines brassées tandis que la moto avance d'un pas lent. 
Sur cette machine, je m'imagine à cheval vagabondant d'une route étroite à une autre. 
Une croix en pierre aux inscriptions à demi-effacées est postée à la croisée de plusieurs directions Je ne sais vers où me diriger car chacune est une invitation à la découverte. Qui sait ce qui peut se dévoiler au détour du prochain virage? 
Celle de droite a finalement ma préférence car elle semble se diriger vers ce qui paraît être un prieuré donnant sur un belvédère. 
Le petit raidillon qui se fait chemin donne sur un pré d'une herbe jaunie par la chaleur. Ce pré grimpe et en haute de cette butte une croix faisant face une église fermée. J'y laisse là ma moto et quitte casque et blouson. Le paysage s'y déploie de manière grandiose tandis que je m'assois sur une margelle. Instant d'éternité et de silence. Cette sensation de vider mon trop plein. Le lieux possède une rare intensité et il m'est difficile de m'y soustraire. Je pourrais y rester là jusqu'à la nuit tombée, gisant face au ciel et y contempler la voûte étoilée. Là immobile, je laisserais les nuages défiler au dessus de ma tête et finirais par sombrer par un profond sommeil car rien ne semble pouvoir perturber cette quiétude. 
La lecture du disque s'achève pourtant, les images se dissipent brusquement tandis que je reviens à la réalité. 
Il n'y a pas meilleur moyen de vivre sa vie que de la vivre à demi-rêve. Le rêve à fleur de peau. Les pieds bien ancrés au sol mais l'esprit libre, on peut voyager loin mais il faut nourrir son imaginaire et sortir des autoroutes de la vie. Le choix de la monture est crucial.
La mienne attend patiemment dans le garage. Le coup de kick qui la ranimera bientôt sera comme la clef tournée dans une boite à rêve. Ce sera alors à nouveau le temps d'une autre aventure. Sans doute à côtoyer les géants des Pyrénées et faire une autre moisson de merveilles. Sur un pareil véhicule et dans de telles étendues, il n'y a pas de saison pour cela. Ici bas ou en haut des cols, la splendeur ne demande qu'à être cueillie. Il suffit d'ouvrir la porte de son garage et de quitter le confort de son foyer. Ni chaleur pesante ni frima engourdissant pour vous décourager. Le premier pas ne  me coûte pas puisque je sais qu'il me conduira d'un pas de velours vers un de ces lieux qu'il me reste à découvrir. 

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